« Pas d’couilles, pas d’embrouilles ! »

Le cadre qui vient de me lancer cette formule marque un temps d’arrêt, l’air goguenard… puis il reprend : « Oui, ‘pas d’couilles, pas d’embrouilles’, c’est ma devise managériale !… Quand il y a une tension, un problème avec un collaborateur, moi je préfère ne rien dire et laisser passer l’orage... De toutes façons entre les syndicalistes qui te tombent dessus et les patrons qui ne te suivent pas, y’a que des coups à prendre… ».

La richesse de la rime de cette devise et sa gauloiserie m’amusent, mais je suis consterné par le fond de cette pensée…
Certes le rappel à la règle voire l’application de sanctions ne constituent pas les moments les plus agréables du quotidien d’un manager... Dans ma vie industrielle antérieure, un de mes premiers administrateurs, Charles Bouilly, aimait à dire qu’il est « plus facile de distribuer des bonbons que des coups de pied au cul »… Mais ces séquences font pleinement partie du job : «Un chef, c'est fait pour cheffer» selon la lapalissade lapidaire du président J. Chirac !

Il faut effectivement du cran pour oser le face à face avec le collaborateur qui n’est pas au rendez-vous – que ce soit par incompétence, par démotivation ou par faute.
Et pourtant plusieurs bonnes pratiques permettent d’appréhender le recadrage ou le soutien avec une meilleure sérénité :

  1. Avoir clairement énoncé la règle ou l’objectif en amont, et les risques encourus à y déroger, pour ne prendre personne « en traître ».
  2. Agir vite après l’écart constaté – retarder l’échéance ne faisant qu’accroître l’appréhension chez le manager et rendre la remontrance moins audible chez le collaborateur (« Mais, tu ne m’as jamais rien dit, qu’est-ce qui te prend d’un coup !? »).
  3. S’exprimer avec fermeté sans pour autant blesser l’autre par une attaque personnelle, qui serait reçue comme un jugement de valeur – les fondamentaux de la Communication Non Violente sont d’excellent conseil à ce sujet : privilégier les faits, neutres et observables (« A tel moment, j’ai constaté ceci…) et les ressentis, subjectifs et indiscutables (« Je suis inquiet car… »), dire son besoin (« En tant que manager… ») et formuler une demande claire.

Enfin dernier levier si vous étiez tenté par une petite couardise managériale : nous préférons recevoir un signe de reconnaissance négatif (du moment qu’il est bien « conditionnel », c’est-à-dire basé sur ce que nous avons fait) plutôt que pas de signe de reconnaissance du tout. Comme chantait JJ. Goldman « Tout mais pas l’indifférence »… Rien de plus démotivant pour un collaborateur que de se dire « De toutes façons, quoi que je fasse, tout le monde s’en fiche et personne ne vient jamais rien me dire… ».
Sans compter qu’en tant que manager, vous êtes observé par tous les autres collaborateurs, qui bien souvent, eux, ont vu l’écart et guettent votre réaction…

Alors les managers, on change de rime ? « Du courage, c’est mon apanage ! ».


23 octobre 2018