Quand les moteurs de la Patrouille de France s'emballent…

Le 14 juillet dernier, les français découvrent avec étonnement le curieux panache que déploie la Patrouille de France au-dessus des Champs-Élysées en ouverture du défilé militaire : le fumigène de l'avion le plus à gauche de la formation est rouge au lieu de bleu…
La prestigieuse formation a humblement présenté ses excuses pour cette offense au drapeau national… Selon les sources, deux explications sont présentées : une erreur de chargement du fumigène par un mécanicien ou une erreur de commande actionnée par le pilote dans le cockpit.

Quelle qu'en soit l'origine, cette bévue est intéressante à analyser à la lumière des quatre moteurs de la boussole iLead.

Au sein de la Patrouille de France, les deux moteurs d'apprentissage priment.

La recherche de Certitudes tout d'abord, par devoir : la voltige aérienne en formation exige un très haut niveau de technicité, une maîtrise absolue du programme de figures en vol, une expertise dans la préparation des avions au sol. J'imagine aisément la honte ressentie dans cette équipe où l'à-peu-près est interdit...

La recherche d'Approbation ensuite, par choix : la Patrouille de France est d'abord une affaire humaine, où le collectif prime sur les individualités. Les pilotes postulants sont recrutés par cooptation par leurs pairs, sur le critère de l'envie de faire équipe avec eux. Plus étonnant encore, ce sont les mécaniciens (sous-officiers) qui choisissent leurs pilotes (officiers) en début de saison, indépendamment de toute hiérarchie militaire. La Patrouille de France est la seule unité qui déroge à la règle du contrôle de l’avion par le pilote avant de décoller : il s’en remet entièrement à son mécano, signe de confiance absolue entre tous les membres de l’équipe. Je me demande si l'erreur de fumigène a entamé cette confiance au sein de l'un des binômes pilote-mécanicien ?

Les moteurs d'action viennent ensuite, dans l'exécution.

La recherche de Contrôle, par nature : les avions évoluent à basse altitude, à deux ou trois mètres les uns des autres, à une vitesse de 300 à 800 km/h - le leader donne tous ses ordres par radio et les équipiers se callent sur cette "musique" pour exécuter leurs figures. Après les vols les mécaniciens s'affairent afin que les avions soient prêts pour l’exhibition suivante - plus de 80 en 7 mois de saison. Chaque vol est suivi systématiquement d'un débriefing, dans la logique « agir et apprendre »… Le débrief du 14 juillet a peut-être été l'occasion d'une "remontée de bretelles" comme on sait en dispenser dans l'institution militaire !

Enfin la recherche de Reconnaissance est inhérente à la mission d'ambassadeur de cette unité : les pilotes sont adulés dans les meetings, la combinaison de vol bleu ciel et la signature d'autographes poussent à leur starification - le retour à l'anonymat des unités de combat après les années passées à la Patrouille est d'ailleurs parfois difficile à vivre. Gageons que cette erreur de fumigène a dû être une blessure d’orgueil pour toute l'unité, plus habituée aux louanges qu'aux lazzis sur les réseaux sociaux...

Deux jours plus tard la Patrouille survolait à nouveau les Champs-Élysées pour fêter l'équipe de France de football championne du monde - personne ne leur en aurait voulu de ne déployer qu'un panache tout bleu pour célébrer notre 2ème étoile !


20 août 2018

Photographie de la patrouille de France prise par Yann Caradec et partagée sur Flickr ici.