« Quand j’arrive au travail le matin, ma journée est déjà terminée… »

Voilà ce que me confie une vendeuse, d’un ton blasé…
Celle-ci, triathlète amateur, pratiquante à un haut niveau, s’entraine chaque matin à l’aube, avant de prendre son poste en magasin.
Par cette formule lapidaire elle m’exprime que sa « vraie vie » est sa pratique sportive et que son emploi en magasin lui est très secondaire ; elle vient y chercher une couverture sociale, la garantie d’un CDI et un revenu alimentaire…

J’apprécie sa franchise tout en déplorant sa démotivation implicite…
Que les journées doivent lui sembler longues !
Me revient la citation de l’écrivain Romain Guilleaumes « Il faut travailler pour vivre, non vivre pour travailler » que mettent en avant ceux qui veulent se garder de se faire dévorer par leur travail (mais aussi parfois se justifier de leur peu d’investissement dans leur travail !…).
Il me semble que considérer sa « véritable journée » achevée lorsque démarre sa journée de travail, c’est aller encore au-delà, vers un « travailler sans vivre », dans une attitude d’indifférence, d’absence d’engagement professionnel.
C’est être là sans être présent, par besoin, par nécessité mais sans envie ni plaisir.

Cela pose la question centrale du bonheur au travail, idéalisée dans la formule de Confusius « Choisis un travail que tu aimes, et tu n’auras pas à travailler un seul jour dans ta vie »… Cette citation semble positive au premier abord, mais elle entérine une définition négative du travail par nature - comme selon son étymologie latine (contestée) de l’instrument de torture « tripalium ».
Difficile en portant un tel regard de principe sur son travail d’y trouver un moyen de s’accomplir, une force créatrice, voire une contribution à l’œuvre commune.

Par ailleurs je me mets à la place du manager de cette vendeuse : quels leviers activer pour l’animer dans sa fonction ?
Les seules motivations qu’elle affiche sont froides, rationnelles et très utilitaires. Si je me réfère au modèle éclairant des motivations SONCAS, elle exprime un besoin de « sécurité » (le contrat de travail) et un besoin d’« argent » (la rémunération). C’est légitime, vital, respectable… mais vite limité.
Une piste serait de fonctionner par analogie, en faisant vibrer au travail les valeurs qu’elle développe dans le sport : la compétition, la gagne, le dépassement de soi…
Et si trouver un peu de passion dans son travail pouvait la conduire à vivre réellement deux journées en une : l’une sportive et l’autre professionnelle ?!

03 septembre 2018